Catégories
Non classifié(e)

Routesetting: Histoire et Philosophie

Écrire à propos d’un sport si jeune que l’escalade de bloc en salle, c’est tenter de comprendre et vulgariser un sujet qui, lui-même, reconfigure constamment ses propres balises. Il faut donc être prudent dans la définition et l’explication de ses paramètres, ce qui n’empêche pas de tenter d’établir quelques lignes directrices ayant modulées son évolution. D’ailleurs, il faut aussi garder en tête qu’à l’exception de quelques ouvrages instructifs, par exemple The Fundamentals of Routesetting,1 très peu d’informations sont disponibles sur l’histoire du routesetting. Considérant notre penchant pour la discipline du bloc, c’est d’ailleurs sur celle-ci que portera le présent article.

Si l’on souhaite étaler l’histoire du routesetting, on doit d’abord établir le point d’origine du concept. Le routesetting existe principalement en tant qu’action, celle de poser des prises sur des murs d’escalade pour créer des problèmes à résoudre (et grimper!). Il peut être compris au niveau personnel, commercial ou compétitif, tous le façonnant différemment. Naturellement, cela nous mène à poser certaines questions de base: est-ce que ce concept de routesetting peut qu’exister au niveau individuel, ou l’on doit exécuter la tâche pour une audience distincte. En d’autres mots, si je pose des prises sur mon mur personnel pour mon entrainement, est-ce que cela reste du routesetting? Peut-être. Par contre, pour permettre une évolution, le routesetting doit exister dans l’espace public (commercial ou compétitif) afin de permettre à la fois une critique constructive et une appréciation de son évolution à travers le temps. On ne peut renier que son origine provienne des murs d’entrainement personnel, mais c’était à un moment où la ligne entre l’entrainement et le routesetting était plutôt floue; on ne comprenait pas le routesetting en tant que routesetting, on ne l’effectuait que par défaut pour s’entrainer.

Le fait d’effectuer cette action est intrinsèquement lié à une culture ainsi qu’à un sport qui commence à trouver ses repères au niveau de la compétition internationale et commerciale. On pourrait faire une liste de chaque compétition de bloc depuis 20 ans et comparer les changements en terme de routesetting entre chacune d’entre elles, mais on raterait l’essence même de ce qu’il représente pour l’escalade de bloc. Ce qu’on veut réellement comprendre, ce sont les changements de culture, d’attitude et de philosophie à son égard, ainsi que leurs impacst sur l’évolution du monde de l’escalade commercial ou compétitif. En des termes plus simples, on posera la question suivante: comment s’est-on rendu au routesetting tel qu’on le connait aujourd’hui. En premier lieu, il sera question d’expliquer la culture ayant établi les bases du routesetting (tout en gardant en tête la contreculture y ayant farouchement répondu). Ensuite, nous verrons l’évolution des compétitions en soi, des premières au milieu des années 1980 jusqu’au circuit de la coupe du monde moderne. Dernièrement, nous utiliserons ces deux parties afin d’ériger et expliquer le concept du routesetting à travers ses particularités régionales, de style et d’utilité. Au final, si l’on désire avoir une discussion sur le routesetting, on ne peut parler que de routesetting puisque par défaut, le routesetting ne peut exister sans le monde compétitif ou commercial. C’est donc en approfondissant nos connaissances au niveau de ces différentes cultures que nous pourrons comprendre l’histoire du routesetting et sa trajectoire jusqu’ici.

UNE CULTURE EN ÉVOLUTION

La culture a été définie de plusieurs façons, mais le plus simplement, on la comprendra comme un comportement appris et partagé par une communauté d’individus en relation entre eux.2 Si les premiers adeptes sérieux du bloc ont commencé à le pratiquer au milieu du XXe siècle, nous avons dû attendre les années 1970 avant de voir une augmentation marquée des performances en terme de difficulté. On peut se référer à John Gill au États-Unis, probablement le premier à se spécialiser et à encourager la discipline du bloc en Amérique, qui pratiquait des mouvements dynamiques contrôlés, par choix comme par nécessité.3 Si cela parait anodin, ce type de mouvement allait complètement à l’encontre du style fin et précis provenant de l’Europe. Au fils des décennies, même si on arrivait à accrocher un plus grand nombre de grimpeurs au bloc, le monde de la grimpe en général les regardait habituellement avec mépris.

John_Gill_-_one_arm_lever

John Gill et son front lever à un bras.

Encore pire que les bloqueurs qui n’avaient que faire du raffinement européen et de l’esprit traditionnel de la grimpe, on avait les compétitions d’escalade qui, selon les puristes, dénaturaient complètement le sport. Plusieurs grimpeurs influents français ont d’ailleurs écrit un manifeste dénonçant les compétitions puisqu’elles allaient tuer l’esprit du sport, prétendait-on. Ces grimpeurs, qu’on appellera par la suite « les derniers anarchistes », n’auront toutefois pu arrêter la puissante vague qui s’apprêtait à déferler sur le monde de l’escalade. Cette nouvelle discipline, celle du bloc, s’établissait lentement comme l’un des piliers d’un monde de l’escalade en plein changement. Des grimpeurs comme Jim Holloway établissaient des problèmes de difficulté allant jusqu’à V12 dans les années 1970. Cette recherche de la difficulté comme but ultime de l’escalade n’allait certainement pas s’arrêter là.

holloway

Jim Holloway lors de l’une de ses premières ascensions difficiles.

Cette culture de la « difficulté à tout prix » prenait de plus en plus de place, au grand désarroi des grimpeurs plus traditionnels. Mais pourquoi, si l’on désire comprendre le routesetting, parle-t-on tout d’abord d’un changement au niveau de la culture de l’escalade? La réponse est la suivante: dans les années 1980, cette même culture avait évolué jusqu’au point où, si l’on désirait repousser les limites du corps humain en bloc, on ne pouvait passer à côté de l’entrainement. Pour se faire, on se devait désormais de pouvoir grimper, peu importe les conditions météo, et de pouvoir créer tous les mouvements possibles dans un environnement contrôlé. C’était en quelque sorte la naissance du routesetting. Holloway, en parlant de ses habitudes de grimpeurs, disait: « We were serious about the climbing but never let it get in the way of a good time. »4 Une décennie plus tard, les meilleurs grimpeurs passaient la majeure partie de leur temps à s’entrainer, la partie plaisir y était secondaire.

Pour bien comprendre la mentalité présente dans les années 1990, le cas précis du School Room à Sheffield en Angleterre est très intéressant. Agissant comme une sorte de microcosme du monde du bloc à ce moment, le School Room était aussi l’embryon d’un monde axé sur la difficulté et la compétition. Les deux grimpeurs les plus proéminents de leur génération au Royaume-Uni, Ben Moon et Jerry Moffatt, avaient commencé à prendre leur entrainement plus au sérieux en 1984. Ils clouaient des morceaux de bois sur des panneaux du même matériau pour créer des problèmes. Le routesetting, à ce moment, servait d’outil d’entrainement, et il existait presque par défaut. Toutefois, leurs pratiques ont fortement marqué les tendances pour le routesetting à ce moment. C’est à dire que le style des blocs qu’ils traçaient: très à doigt, en puissance, et habituellement dynamique, allait établir les bases du routesetting des années 2000. Moffat s’était d’ailleurs inspiré du légendaire allemand Wolfgang Gullich pour ce type d’entrainement. Le monde de l’entrainement en bloc, à ce moment embryonnaire, était poussé par les grimpeurs forts qui se nourrissaient entre eux. C’est ainsi, dans un sens, que le monde de l’escalade de bloc a rencontré celui de la compétition. Cela explique aussi les premières tendances en terme de routesetting compétitif.

En 1993, le School Room naissait et allait rapidement devenir l’endroit de prédilection pour les grimpeurs les plus forts d’Angleterre. D’ailleurs, les Jerry Moffatt, Ben Moon et Malcolm Smith de ce monde étaient très compétitifs. Au fils des années, des dizaines de problèmes, tous documentés, allaient être créés sur le mur du School Room. On leur donnait des noms et on pratiquait les mouvements durant des heures. C’était la recherche de la perfection. En quelque sorte, il s’agissait d’un retour à l’esprit de l’escalade plus traditionnelle, mais adaptée à des mouvements exceptionnellement difficiles. Certains de ces problèmes sont restés sur le mur du School Room sans voir une seule répétition même après 15 ans. On commençait à comprendre l’utilité d’une discipline comme le bloc, et on apprivoisait rapidement les différentes possibilités techniques. Il est difficile de prétendre que cette salle, sa communauté et sa culture furent à l’origine du routesetting tel qu’on le connait aujourd’hui. Par contre, on peut facilement reconnaitre un changement de culture et d’approche incarnée par le School Room ayant par la suite façonné le routesetting. Voici un exemple de l’un des problèmes les plus difficiles, Perky Pinky.

Enfin, il ne faut pas oublier que dans cette communauté, l’esprit compétitif aura tôt fait de repousser les limites créatives de chacun, permettant donc au School Room d’agir comme un laboratoire. On testait les limites du possible, on jouait avec les différentes préhensions et leur combinaison, on apprenait à recréer les mouvements retrouvés à l’extérieur. C’était donc un moment où le routesetting n’était plus seulement qu’un outil d’entrainement, mais aussi un vecteur vers la créativité et l’esthétisme (seulement en ce qui concerne les mouvements, à ce point, puisqu’on doit reconnaitre que la salle en question n’était pas des plus inspirantes).

Compétition

La première compétition internationale d’escalade, l’événement « Sportroccia », fut organisée en 1985 en Italie. Bien ancrée dans la culture d’escalade de rocher, la compétition se tenait sur un mur d’escalade naturel. Bien que ce nouveau type d’événement attirait un grand nombre de spectateurs ainsi qu’une attention médiatique importante, la non-viabilité d’une compétition d’escalade à l’extérieur allait rapidement se faire sentir. En effet, on ne pouvait changer les voies de compétitions d’année en année et, par-dessus tout, si l’on désirait accommoder un nombre grandissant de spectateurs, l’impact sur la nature était dévastateur.

Bardonecchia-sportroccia1985-Edlinger-Cassin-CIMG0396

Quelques grimpeurs lors du SportRoccia de 1985, dont Patrick Edlinger et Ben Moon.

Dès 1986, la fédération française d’escalade organisait la première compétition d’escalade sur mur artificiel. À ce moment, il n’existait pas de manufacturier de prises d’escalade puisque c’était encore une industrie marginale. Les ouvreurs de la compétition devaient donc, en plus de tracer les voies, créer les prises de leurs mains propres. On utilisait donc des matériaux malléables et du sable pour fabriquer ce qu’on appelait des « prises ». Si, aujourd’hui, l’organisation d’une compétition va de soi, c’était beaucoup plus complexe et difficile à coordonner à l’époque. Reinhold Scherer, l’un des premiers ouvreurs en Autriche se souvient que lors de l’une des premières compétitions, le mur installé était 10 degrés plus incliné que prévu. L’équipe d’ouvreur a donc dû refaire toutes les voies qui autrement auraient été trop difficiles.

À ce moment le bloc prenait de plus en plus de place comme discipline distincte, mais ce n’est pas avant 1998 qu’on organisa la première compétition. Il existait donc un grand contraste entre les compétiteurs qui s’entrainaient en bloc depuis près de 10 ans, et le style d’ouverture qu’on leur proposait. Puisque c’était les premières compétitions, les ouvreurs s’en tenaient à un type d’escalade très semblable aux compétitions de voies. Comme décrit précédemment, c’était un style qui préconisait les petites prises difficiles à tenir et les mouvements précis avec une emphase sur la position du corps. Rapidement, il devenait évident que pour couronner le meilleur grimpeur, les ouvreurs devraient eux aussi adapter leur travail aux compétiteurs. Les grimpeurs étaient tellement forts qu’il devenait difficile de les séparer en n’utilisant que la force brute. On devrait donc ajouter d’autres éléments: lecture difficile, précarité de mouvements, mouvements aléatoires, et coordination, entre autres. Ainsi, au début des années 2000, on entamait un lent changement qui allait amener le routesetting compétitif à prendre une forme totalement différente en 2016. Certains diront même que ce type de routesetting moderne s’éloigne de ce qu’est l’essence de la discipline du bloc. Est-ce que ça vous rappelle quelque chose? En effet, c’est une roue qui tourne. Nous tenterons d’ailleurs d’expliquer ce routesetting moderne dans la dernière partie.

Routesetting moderne

Jusqu’ici, nous avons discuté de deux éléments importants: la culture de l’escalade en constante évolution depuis les premiers adeptes du bloc dans les années 1950, et l’évolution des compétitions d’escalade (dans leur fond et leur forme) depuis les années 1980. Maintenant qu’il apparait plus clair que le routesetting, désormais un élément à part entière dans le monde du bloc, n’existait presque que par défaut il y a trente ans, nous tenterons d’expliquer les particularités inhérentes aux routesetting qui découlent des deux parties précédentes. Nous nous attarderons aux particularités régionales, de style et d’utilité du routesetting dans la réalité du bloc moderne. Il est aussi à noter que les observations suivantes sont souvent des généralisations et que certaines exceptions existent.

On dit qu’une image vaut mille mots, alors voici quelques images pour comparer le style de routesetting dans le temps. La première vidéo provient d’une compétition aux États-Unis en 2003, et l’autre nous présente les compétitions de la coupe du monde, majoritairement en Europe, de 2015.

2003:

2016:

On note d’emblée que le style d’ouverture est complètement différent. Même si l’ont met de côté l’esthétisme des blocs, le style d’ouverture reste très distinct d’un vidéo à l’autre. Dans le premier, on voit une emphase sur la tenue de prise, sur la force brute et des mouvements très physiques. Dans le second, on remarque l’apparition de nombreux volumes permettant d’ajouter un certain mystère dans la lecture des problèmes et les options proposées aux grimpeurs sont axées à la fois sur la force, la souplesse et la créativité. Évidemment, ces deux exemples représentent les deux extrêmes sur un spectre de style, mais ils nous aident à comprendre l’évolution du sport. Ainsi, dans l’ère moderne des compétitions de bloc, on misera sur une lecture de problèmes ultra complexe, sur des positions de corps difficiles à comprendre vu de l’extérieur, ainsi que sur des mouvements à la fois aléatoires et de coordination.

Bien que le style d’ouverture en compétition ait évolué, les différences restent notables si l’on compare, par exemple, les Américains aux Européens. C’est une comparaison classique dans le monde de l’escalade, mais elle est presque inévitable en raison de leur essence totalement distincte. On pourrait même, si on le désirait, comparer le style de routesetting entre les différents pays d’Europe pour y trouver certaines différences. On s’en tiendra toutefois aux deux continents pour le bien de notre argumentaire.

En Europe, la technique est primordiale. Un problème est habituellement composé de 4 à 8 mouvements. Ils requièrent des positions de corps bien précises, l’utilisation de mauvaises prises de pied et bien entendu une valorisation de ces dernières aux dépens des prises de main. On utilise de nombreux volumes, changeant les angles du mur, et permettant de créer des séquences complexes, aléatoires et sensibles. Ainsi, ces problèmes misent sur une technique d’escalade bien développée avant la force brute. Depuis quelques années, on tente de repousser les limites de l’ouverture avec la création de nouveaux mouvements et nouvelles séquences. D’année en année, les ouvreurs européens combinent des séquences de mouvements qui, 20 ans auparavant, n’auraient probablement pas été compris par les compétiteurs. Lorsqu’on pense qu’on a tout vu en escalade, les Européens ont le don de nous présenter de nouveaux mouvements spectaculaires, et l’effet est des plus grandioses lorsque c’est lors d’une finale de Coupe du Monde. On se concentre sur la complexité d’un problème plutôt que sur l’endurance nécessaire pour le compléter. Ce sont d’ailleurs les grimpeurs européens qui dominent la scène internationale depuis 15 ans.

Aux États-Unis, on mise plutôt sur la fatigue physique pour faire tomber un grimpeur. Ainsi, il n’est pas rare d’avoir affaire à un problème de plus de 10 mouvements, où les prises sont confortables, dans le bon angle, où les pieds sont au bon endroit et où la complexité des mouvements est reléguée au second rang au profit de l’endurance requise. On retrouvera des murs très déversants et des grosses prises de pied qui permettent l’erreur du côté des compétiteurs. Lorsque les mouvements sont physiquement difficiles, ils ne sont pas très complexes à comprendre. Dans ce type de compétition, les grimpeurs tombent à cause d’une fatigue constante plutôt qu’en raison d’une position précaire ou d’une séquence mal comprise.

Les deux styles ont leurs mérites, mais il est clair que le style européen favorise la créativité et permet une évolution plus rapide du routesetting en général. Le style américain, souvent, tente de forcer des mouvements spectaculaires sur des mauvaises prises. Sur le vieux continent, même si l’on tente de forcer un mouvement, on proposera habituellement des séquences permettant des solutions alternatives. S’il peut être difficile de comprendre la différence, on peut se dire ceci: pendant que les Européens repoussent les limites des mouvements et séquences de mouvements, les Américains ouvrent des « 360 » sur des pockets depuis 20 ans. Avec la démocratisation de l’escalade de bloc, ainsi qu’une certaine mondialisation du routesetting, en ce sens que les ouvreurs voyagent beaucoup et échangent leurs idées, on note que les influences se croisent d’un pays à l’autre. C’est toutefois évident lorsque les Américains essaient de faire comme les Européens. Encore une fois, il faut bien comprendre que ces deux styles ont leur mérite, et que les propos précédents ne sont que mon opinion.

wc

Quelques photos du dernier championnat de bloc de la Coupe de Monde tenu à Paris. Photos par Yanne Golev.

Récemment, Peter Dixon, un ouvreur et grimpeur américain de haut niveau proposait l’idée suivante:

What I propose is that American setting trends could be a reflection of how we see and interact with our world. One could correlate that the comfortable ergonomic movements and flow of American setting could reflect the comfort that Americans strive to achieve, i.e. the comfortable house, car, or job. The flashy moves of our setting could also reflects the glamor and instant gratification hungered after by our culture. The steepness and grade bias towards brute physical strength could reflect our deep roots in the belief that the strong will survive and those with the bigger guns will dictate the rules. Could also the fact that we set with large footholds reflect the idea that we hold on to the belief that we are in control, that we like if not need to feel secure? And lastly, might it be that we set long sustained problems to satisfy the ingrained mentality that working long and hard at something is the only way to get ahead in life?5

Dixon avance certainement un point intéressant. Au-delà de son argumentaire sur le cas spécifique des Américains, ce que Dixon propose est que le style d’ouverture soit fortement influencé par l’histoire et la réalité sociopolitique de son pays. Si tel est le cas, il serait intéressant de vérifier son hypothèse avec une analyse plus poussée de d’autres pays comme la France ou l’Allemagne. Ou, peut-être, accorde-t-on une importance trop grande à ce que représente le routesetting. Après tout, on ne fait que poser des prises d’escalade sur des murs, il ne faudrait pas se prendre trop au sérieux. Mais, d’un point de vue historique, c’est une piste qui reste très intéressante.

Au final, après avoir retracé le changement de culture, ainsi que la trajectoire des compétitions depuis 1986, il semble plus clair que le routesetting soit au coeur de l’évolution du sport qu’est le bloc. Il est difficile de prévoir les futurs tangentes sur lesquelles le sport évoluera dans les prochaines décennies. Par contre, pour l’observateur attentif, il ne fait aucun doute que nous évoluons dans une direction qui favorise les grimpeurs les plus complets aux grimpeurs les plus forts. D’ailleurs, avec la proéminence des médias sociaux, il est désormais facile de voir croitre la culture du routesetting sur une base quotidienne. Aussi, les conditions dans lesquelles ce routesetting peut évoluer sont totalement différentes. Si l’on parlait du School Room comme une sorte de laboratoire, désormais chaque salle de bloc est un laboratoire en soi avec les moyens de publier leur contribution quotidiennement. On retrouve même certains endroits, comme la salle Karma à Fontainebleau, où un programme d’escalade est financé par l’état français afin de soutenir l’équipe nationale d’escalade. Cela comprend l’embauche de l’un des meilleurs ouvreurs sur le circuit international, Jacky Godoffe, qui consacre la majorité de son temps à concevoir de nouveaux défis pour entrainer l’équipe. Ça, c’est un vrai laboratoire! On est bien loin des caves poussiéreuses où les grimpeurs forts se rencontraient après le travail afin d’aspirer à de grandes performances…

1 Louie Anderson. The Fundamentals of Routesetting (Wolvering Publishing: New Castle, 2014),.

2 Useem, J., & Useem, R. Human Organizations 22 (Automne 1963).

3 D’ailleurs, son article The Art of Bouldering publié dans le American Alpine Club Journal en 1969 est l’une des pièce maîtresse dans la conceptualisation et définition de la discipline du bloc.

4 “The Complete Jim Holloway Interview,” Climbing, accédé le 25 octobre 2016. http://www.climbing.com/news/the-complete-jim-holloway-interview/

5 “Are We Just Thugs?,” Mad Rock Blog, accédé le 28 octobre 2016. https://madrockblog.com/2016/10/27/are-we-just-thugs/