L’automne tire à sa fin, les premiers flocons sont déjà tombés, emportant avec eux les belles températures saisonnières. Si vous n’avez pas pu en profiter pour « sender » vos projets, d’autres grimpeurs ne se sont pas fait prier pour défrayer les manchettes. Je vous propose donc un tour d’horizon des récentes performances dans le monde de l’escalade (principalement de bloc) depuis le printemps passé.
AOÛT
Bien que les conditions du mois d’août nous permettent difficilement de repousser nos limites sur la côte Est canadienne et américaine, les températures sont beaucoup plus clémentes dans l’ouest. Le jeune prodige allemand Alex Megos se trouvait au Canada durant tout le mois d’août afin de visiter quelques crags dans l’Ouest du pays. Sa première destination était Canmore, en Alberta. En deux jours, Megos a réussi la première ascension d’un vieux projet, Iron Butterfly, proposant la cotation de 5.14c/d. Le lendemain, il réussissait deux 5.14d, dont une première ascension, et une 5.14c, tout cela en huit essais au total. Sonnie Trotter, un vieux routier et grimpeur hors pair de la région, n’avait jamais rien du de tel. Pour lui, il s’agissait du « most OUTRAGEOUS day of sport climbing in Canadian history ».
Quelques jours plus tard, Megos réalisait la première ascension d’une ligne équipée par Trotter en prévision de son séjour. Ligne futuriste, Fightclub fut complété en cinq jours de travail. Le jeune grimpeur proposait la cotation de 5.15b, la première de cette difficulté au Canada. Comme si ce n’était pas assez, deux jours plus tard il réussissait le premier flash de The Path, 5.14R, une voie de style traditionnel qui avait été ouverte par Trotter quelques années auparavant.
Deux semaines plus tard, Megos se trouvait à Squamish pour s’attaquer à la pièce de résistance, Dreamcatcher, 5.14d. Il n’aura eu besoin que d’une journée pour en venir à bout, réalisant la 4e et plus rapide ascension à ce jour. En deux semaines, Alex Megos aura redéfini les standards de difficulté canadiens, et ce, en quelques essais seulement. Cela en dit long sur le potentiel intouché de l’escalade au Canada. Il semble que ce ne soit qu’une question de vision… On peut remercier Megos d’avoir ouvert l’esprit canadien à de nouvelles possibilités.
SEPTEMBRE
En septembre, c’est principalement le bloc qui aura retenu l’attention. Dave Graham a réussi l’un de ses vieux némésis, Monkey Wedding, V15 à Rocklands. Pour sa part, Daniel Woods continuait de repousser les limites du sport avec la première ascension de The Creature from the Black Lagoon, proposant la cotation de V16. Woods, à propos de la cotation proposée, disait:
I believe this line is harder than most V15s I’ve done, so why not call it V16… and that the same level in bouldering has been maintained from Fred Nicole, Bernd Zangerl, and Klem Loskot a decade ago until now. We can either acknowledge what is a level up from the standard of V15 (based off of consensus over the years) or continue climbing this grade for another decade.
Si l’on acceptait difficilement cette nouvelle cotation il n’y a même pas trois ans, les grimpeurs de haut niveau semblent reconnaître de plus en plus facilement que nous avons désormais atteint un niveau de difficulté supérieur. On aura mis environ une décennie à comprendre ce que représentait vraiment V15, l’attention est maintenant tournée vers la cotation suivante.
On a aussi eu la chance d’assister au championnat de la Coupe du Monde de bloc à Paris. Les meilleurs athlètes internationaux se mesuraient entre eux sur des problèmes des plus spectaculaires et on a eu droit à tout un spectacle. De façon un peu prévisible, ce sont le japonais Tomoa Narasaki et l’anglaise Shauna Coxsey qui ont remporté le championnat, après une domination quasi complète durant les compétitions précédentes.
À la fin du mois, Chris Sharma s’est offert la première ascension de Alasha, une voie en deep water solo à Mallorca. Fidèle à ses habitudes, il n’a pas proposé de cotation, mais on pense qu’il s’agirait d’une voie semblable à Es Pontas en terme de difficulté. Le crux de la voie est un pas de bloc V13, 60 pieds au-dessus de la mer. Sharma continue de repousser les limites du sport, même lorsque certains pensent qu’il est trop vieux pour suivre la parade…
OCTOBRE
Au début du mois, la jeune Isabelle Faus s’est offert une répétition de The Wheel of Chaos V14, un bloc d’endurance ouvert par Daniel Woods à Chaos Canyon, au Colorado. Si Faus passe habituellement sous la radar avec ses performances impressionnantes, il va sans dire qu’elle fait partie de l’élite mondiale de bloc chez les femmes. D’ailleurs, Jackie Hueflte a écrit un superbe article sur Faus dans climbing magazine.
La plus grande nouvelle de l’automne du côté du bloc est certainement la première ascension du projet Lappnor par Nalle Hukkataival. Situé en Finlande, le problème aura résisté aux efforts de Nalle durant plus de cinq ans. Il l’aura finalement nommé Burden of Dreams, proposant la cotation impressionnante de V17, une première dans le monde du bloc. En Mars dernier, Jimmy Webb et Daniel Woods rendaient visite à Nalle afin de travailler le bloc ensemble. Webb aurait trouvé un beta clé avec l’utilisation d’une prise de pied qu’on pensait trop petite auparavant, permettant l’enchaînement de tous les mouvements sur le projet. Tout de même, à ce moment, Webb et Woods parlaient du Lappnor projet comme étant presque impossible.
C’est donc en octobre que Nalle a vu ses efforts récompensés. Seulement deux ou trois grimpeurs possèdent l’expérience et le curriculum afin de proposer cette cotation de façon crédible, et Nalle en fait partie. Reste à voir si elle tiendra le coup dans quelques années.
Aussi, il est à noter que Dave Graham s’est offert la première ascension de Topaz V15, au Colorado. Tranquillement, mais sûrement, Graham continue d’amasser les ascensions difficiles et consolide sa réputation de magicien sur la roche.
NOVEMBRE
Rien de très spectaculaire s’est déroulé chez les bloqueurs en novembre en comparaison avec les efforts de Nalle en Finlande, mais deux ascensions retiennent tout de même notre attention. L’Espagne a vu l’établissement de son premier V16 par Beto Rocasolano, La Teoría del Todo. Ce problème de dix mouvements dans un toit devient donc le problème le plus difficile d’Espagne, si l’on en croit la suggestion de Rocasolano.
Durant ce temps, la Corée a vu la vedette montante du circuit de la coupe du monde, Chon Jong Wong, établir le premier V15 du pays, Eternal Sunshine.
Enfin, il ne s’agit pas de bloc, mais on ne peut laisser de côté la deuxième ascension du Dawn Wall par Adam Ondra. Kevin Jorgeson et Tommy Caldwell avaient mis sept ans à libérer les 32 sections de l’impressionnant mur à Yosemite. Le jeune prodige de la République tchèque n’aura eu besoin que de quelques semaines. Évidemment, tout le travail fait par Caldwell et Jorgeson, soit l’équipement de la voie, l’exploration des sections, des bêtas, et de la protection possible rend la tâche beaucoup moins ardu. Le Dawn Wall est toutefois composé de sept pitches 5.14 et plus, ainsi que de douze pitches entre 5.13 et 5.14. C’est une réalisation de plus impressionnantes, surtout considérant que Ondra n’avait jamais testé le style technique et précaire des murs de Yosemite avant son ascension. Un super compte-rendu de l’ascension est disponible ici.
LAURENTIDES
Dans la région laurentienne, quelques ascensions ont retenu notre attention. Fred Charron à réussi un flash de Zoolander,V10 à Val-Morin. C’est un problème de deux mouvements sur de petites prises, un bon flash! Autrement, Julien Bourassa-Moreau a réussi la première ascension d’un projet à Ste-Adèle, le nommant Le Sel de la Terre, proposant du même coup la cotation de V12 (l’un des rares au Québec). C’est le low start de Kung Pow, un V8 d’un mouvement ouvert par Samuel Sigouin il y a quelques années.
Émile Baril dans Kung Pow.