Si grimper à l’extérieur permet de nous entourer de la nature, de savourer une atmosphère calme et paisible et d’enfin tester nos acquis en escalade, cela implique aussi de nous éloigner d’un environnement où la sécurité liée au sport est souvent pensée pour nous. L’échauffement est moins évident quand le nombre de blocs, ainsi que le type de prise et la diversité des cotes sont limités. Avec les températures qui varient, la marche d’approche peut devenir glissante (attention les chevilles!) et plusieurs facteurs pouvant menacer notre séance sont parfois difficile à planifier. Dans l’optique de réduire les risques de mettre fin à votre saison extérieure avant d’avoir sendé tous vos projets, voici nos meilleurs trucs pour éviter les blessures au crag.
S’échauffer avec peu
Échauffer son corps, surtout ses doigts, est d’autant plus important avant de tirer sur les prises parfois très petites des blocs extérieurs. À la shop, différents outils pour préparer ses doigts à tirer sont disponibles. Un classique que plusieurs utilisent est le Yubi, qui peut aussi servir à faire des entraînements à la maison, à défaut d’avoir un hangboard. Le Yubi se vend en grand format (99.00$), offrant plusieurs préhensions de 14mm à 30mm et un format mini (49.99$), qui prend un peu moins de place dans le sac-à-dos. La sangle intégrée permet de garder la tension avec un pied pour s’échauffer les doigts tout en observant son prochain projet. Similaire au Yubi, le V-Mobs (74.99$) offre, en plus des autres préhensions, la possibilité de faire des mono et tri-doigts, ainsi que des pincements.
Un autre « must » à avoir pour bien s’échauffer au crag est une bande résistive. Plusieurs types de bandes sont vendues à la shop, mais les plus minces permettent de faire une plus grande diversité d’exercices servant à échauffer vos bras, vos jambes et dos. Si vous êtes fan de l’entraînement à la maison, ces élastiques font également partie de notre nouveau FIT starter pack, qui comprend une barre à traction, des anneaux et 2 bandes résistives (une médium, une large) et deux bandes résistives « super loop ».
Vous préférez toujours l’échauffement en salle? Passez-nous voir! C’est une solution intéressante ceux qui se dirigent vers les Laurentides. Faites comme plusieurs membres de notre communauté et passez par Chabanel (ou Hochelaga si c’est plus près de chez vous) pour faire un échauffement rapide avant de poursuivre vers votre destination d’escalade.
Prévoir les chutes en bloc et en voie
En voie, comme en bloc, il est rare qu’une journée d’escalade se passe sans faire au moins une chute. Comme celles-ci ne sont pas toujours prévisibles, il est important de comprendre comment mettre en place l’environnement le plus sécuritaire possible pour atténuer les risques de blessures. En bloc, nous conseillons d’avoir toujours au minimum deux crash pads.
Parfois la zone d’atterrissage peut être lisse et peu dangereuse. Dans ce cas, la quantité de pads nécessaire sera plus petite, mais si le problème de bloc est très haut, se déplace d’un côté à l’autre ou que des cailloux sont dans la zone de chute, il sera nécessaire d’en avoir plus. Si vous possédez déjà un crash pad ou deux, considérez-le Nimbo de Petzl pour le prochain ajout à votre équipement. Sa minceur permet de protéger les espaces entre vos pads et ainsi éviter de se rouler une cheville, en plus de se transporter facilement.
Pour la voie, on vous conseille surtout de vérifier l’usure et l’ancienneté de votre matériel de sécurité. Inspectez-le régulièrement pour vous assurer d’aucun bris et renseignez-vous auprès de la marque sur sa durée de vie. S’il vous manque de l’équipement de base pour commencer à faire de la voie, profitez de nos Kit Momentum, qui incluent un harnais, un système d’assurage et de rappel ATC-XP avec mousqueton, un sac à magnésie, ainsi que de la magnésie Black Diamond.
N’oubliez pas votre collation!
Finalement, un oubli anodin, mais parfois très fâcheux, est celui des collations. Même si plusieurs préfèrent grignoter des aliments plus légers lors des sorties extérieures, un lunch pourrait faire la différence quant à votre niveau de fatigue et ainsi réduire les risques de vous blesser. Le même principe s’applique à l’hydratation. Si vous êtes du genre à vivre plus de frustrations avec la faim, une meilleure organisation de votre journée de ce côté pourrait également rendre votre séance plus agréable, particulièrement lorsque vous grimpez pendant plusieurs heures. C’est pourquoi au Bloc Shop, vous verrez souvent nos route setters avec un sac de jujubes ou d’amandes au chocolat à la main!
Si vous avez des questions sur le matériel nécessaire à l’escalade extérieure, n’hésitez pas à nous écrire à la shop : onlinestore@blocshop.com
La neige disparaît tranquillement, les plus motivés se rendent donc sur les sites de grimpe extérieure depuis quelques semaines déjà. Les habitués savent que les conditions de grimpe au Québec sont rarement parfaites. Au printemps, entre la fonte totale de la neige et l’arrivée des moustiques, on pourra grimper de 2 à 3 semaines si on est chanceux. L’automne est habituellement un meilleur moment pour l’escalade extérieur, à l’exception de la température qui baisse drastiquement au mois d’octobre. Ceux qui recherchent la friction optimale ne s’en plaindrons pas. Dans tous les cas, afin de profiter de l’escalade le plus longtemps possible, il est impératif d’être bien équipé. Certaines pièces d’équipement sont primordiales, d’autres ajouteront une certaine qualité de vie à vos sessions. On vous présente donc les produits essentiels à avoir dans votre arsenal afin de rendre votre escalade plus agréable au Québec!
Crashpad Bon, essentiellement, sans crashpads, il est assez difficile de pratiquer le bloc à l’extérieur. La question qui revient souvent est la suivante: Combien de crashpads ais-je besoin ? La réponse variera selon votre pratique. Règle générale, on recommandera 2 crashpads au minimum pour protéger la chute d’un bloc de 8 à 10 pieds avec une zone d’atterrissage sécuritaire. Plus le bloc est haut, et moins la zone d’atterrissage est sécuritaire, plus le nombre de crashpads nécessaires augmentera. Lors d’une sortie de bloc avec vos amis, si tout le monde amène 1 à 2 crashpads, vous pourrez profiter amplement de la journée sans trop de tracas. Sur la shop, le roulement des crashpads est assez rapide. C’est-à-dire que lorsqu’on en reçoit, ils se vendent rapidement. Pour l’instant, il reste encore quelques modèles intéressants. Entre autres, le Mondo de Black Diamond qui, avec sa grandeur et son épaisseur, vous protégera pour la plupart des situations. Le Drop Zone est un produit similaire, mais de plus petite taille. Sinon, Petzl propose le Cirro et le Alta, des crashpads d’une grande qualité qui ne passeront certainement pas inaperçus.
Brosse Après le crashpad et les chaussures, l’outil le plus important à l’extérieur est une brosse. Sans elle, vous ne pourrez donner que quelques essais sur un problème avant que les prises deviennent trop glissantes. Plusieurs types de brosses existent, mais les brosses en poil de sanglier dominent présentement le marché. Leur souplesse, leur habileté à déloger la craie et le fait qu’elle n’abîment pas le rocher en font un produit de choix. Les trois brosses proposées serviront dans différents contextes. La brosse Flathold est probablement la plus polyvalente pour des petites et grosses prises. La BlackDiamond est plus large et fera un meilleur travail sur les grosses prises, tandis que la Digit Climbing sera utile afin de brosser les grandes surfaces, par exemple une longue rampe ou une lip, ou même afin de « dépoussiérer » un bloc qui n’a pas été grimpé depuis longtemps.
Brosse de métal Ceux qui désirent développer de nouveaux blocs auront certainement besoin d’une brosse de métal. Il ne faut jamais utiliser ce genre de brosse sur des problèmes déjà établis. Par contre, si vous désirez enlever la mousse de blocs vierges, cet outil vous sera indispensable. Aussi, si vous désirez grimper un bloc qui n’a pas vu d’action depuis quelques saisons, il se pourrait que vous ayez à le renettoyer avec ce type de brosse.
Sac a pof
Il va de soi qu’un chalkbag est nécessaire à vos sessions à l’extérieur. Certains les préfèrent plus gros, d’autres plus petit. L’important, c’est qu’il convienne à vos besoins et qu’ils durent longtemps. Le Lunch BagOrganic est un classique intemporel. Simple, indestructible, coloré! Dans une optique un peu plus funky, SoIll vous propose en chalkbag en Tyvek or. Très design et solide, c’est un choix difficile à ignorer. Si vous désirez acheter local, Keltech propose des sacs simples et efficaces de toutes les grandeurs.
Magnésie
Le type de magnésie que vous utilisez peut avoir une grande influence sur votre grimpe. Disons seulement que certains types de magnésie sont d’une plus grande qualité que d’autres… Tokyo Powder et Frictions Labs offrent tous deux un produit de grande qualité. Ces deux options sont un peu plus dispendieuses, mais après les avoir essayés, vous ne pourrez plus vous en passer. De son côté, Flashed offre une magnésie un peu plus abordable qui fait un bon travail.
Tape
Que ce soit pour stabiliser vos doigts, pour les protéger de blessures ou bien pour continuer votre session d’escalade malgré un manque de peau, le tape est votre meilleur ami. D’ailleurs, pour les grimpeurs n’étant pas habitués aux rigueurs du rocher, vous en aurez définitivement besoin lors de vos premières sessions; votre peau ne tiendra pas le coup! Encore une fois, vos préférences dicteront votre choix. Le tape Mueller est un classique depuis longtemps. Votre peau s’amincit à un rythme effréné? Le Mueller est pour vous. Le tape Jaybird, quant à lui, est un peu plus rigide et fonctionne très bien pour gérer vos blessures aux doigts. En ce qui a trait au Flashed, c’est probablement le tape qui tiendra le coup le plus longtemps. Sa colle est magique. Vous aurez toutefois besoin d’un peu plus d’effort pour l’enlever après votre session.
Entretien de la peau Si vous grimpez à l’extérieur régulièrement, le soin de votre peau deviendra impératif. Que ce soit pour soigner des coupures, contrôler les excès de cornes, ou vous assurer d’une peau saine, certains produits vous permettront d’y arriver beaucoup plus facilement. Toute la gamme de produits Rhino Skin offre une qualité remarquable, que ce soit avant, pendant, ou après votre grimpe. Ça vaut la peine de vérifier tout ce qu’ils offrent ! Ajoutez une trousse d’entretien de la peau et vous serez préparé au pire scénario. Rien de plus frustrant que de devoir écourter une belle session d’escalade en raison d’une peau qui refuse de coopérer.
Chaufferette Est-ce une blague? Non! Depuis quelques années, la tendance des chaufferettes au crag est de plus en plus populaire. Elle vous permettra de commencer à grimper plus tôt à la fin de l’hiver et de poursuivre votre saison plus tard en fin d’automne. Avec les saisons assez courtes du Québec, une chaufferette pourrait vous permettre de grimper 1 mois ou 2 de plus dans l’année !
Antimoustique L’arrivée des moustiques au milieu du printemps est assez brutale pour les grimpeurs. Ce sont habituellement ces moustiques qui mettent fin à l’escalade extérieure entre la mi-mai et la mi-août, plutôt que la chaleur accablante. Ceux qui voudront poursuivre leurs activités de grimpe estivales devront s’équiper pour affronter les insectes les plus voraces: un bon spray anti-moustique est de mise et un filet pourrait vous permettre de rester sain d’esprit durant quelques heures. Autrement, ces sacrés moustiques auront raison de votre santé mentale.
Knee pad
Le knee pad n’est plus un accessoire de luxe pour pratiquer le bloc. Surtout considérant le style d’escalade de bloc extérieur au Québec, un knee pad vous permettra sans aucun doute de grimper certaines séquences qui auraient été impossibles autrement. Votre partenaire vient de sender son projet après 8 sessions ? Rien de mieux que de skipper le crux du même bloc avec un coincement de genou en deux essais. Bon, okay, vous perdrez peut-être quelques amis… mais il n’y a rien de plus important que d’enchaîner des blocs, right?
Spots
Voici un dernier produit pour les plus motivés. Le mois de mai tire à sa fin, vous remarquez les températures avoisinant les 26-27 degrés, et l’humidité transforme les jugs en slopers glissants. Votre dernier recours est de grimper de nuit. Si votre premier réflexe est d’y aller avec votre lampe frontale, vous vous rendrez rapidement compte qu’elle rend l’escalade moins agréable. Elle ne peut éclairer qu’un endroit à la fois et vous oblige à constamment bouger votre tête. De plus, la frontale de votre ami(e) qui vous spot crée une ombre difficile à contrôler sur la roche. L’ajout d’un spotlight éclairera votre projet de façon égale et beaucoup plus lumineuse. Vous aurez presque l’impression que la nuit n’est jamais tombée! Combiné avec votre frontale, un spotlight vous rendra la vie beaucoup plus facile !
Le retour à l’escalade, après trois mois de pause pour la plupart, peut engendrer certains problèmes. Malgré toute votre volonté, et (surtout) votre motivation, vous devrez pendre des précautions afin d’éviter les blessures. Julien Descheneaux, notre physiothérapeute au Bloc Shop Chabanel, vous a préparé une courte vidéo afin de bien expliquer la marche à suivre d’un sain retour à l’escalade.
Il y a quelques semaines, je visionnais une courte vidéo d’un ouvreur-équipeur dans la région de Lanaudière, Steve Bourdeau. Steve nous présente une journée typique dans la journée d’un ouvreur-équipeur. Bien que je grimpe depuis longtemps et que je baigne dans le milieu de l’escalade quotidiennement, j’ai trouvé cette vidéo très instructive. On comprend bien la réalité et le travail que nécessite l’ouverture de voie extérieure dans la région.
Si je comprend moins les réalités impliquant le port d’un harnais (excepté pour brosser certains problèmes), je développe des blocs dans les Laurentides depuis presque 10 ans. Je me suis dit que ça en intéresserait quelques-un de mieux comprendre ce que ça implique. On pense souvent qu’après 2-3 coups de brosse, un peu de magnésie, les blocs naissent d’eux-mêmes. La plus grande implication, c’est le temps. Le temps de chercher, de trouver, de nettoyer, d’essayer, de trouver les séquences, de casser des prises, de trouver de nouvelles séquences, d’attendre les bonnes conditions, de se refaire assez de peau, d’enchaîner, entre autres… En gros, ouvrir des blocs, ça prend du temps!
Récemment, je suis tombé sur des photos de certains blocs au moment où je les ai trouvé. Je prends souvent des photos et des vidéos lors de mes sessions d’escalade, je me suis donc dit que je pourrais vous raconter le processus de l’ouverture d’un bloc en particulier. Ça tombe bien, ce bloc est probablement celui qui m’aura arraché le plus d’effort. J’avais comme plan de vous présenter brièvement le processus d’ouverture de bloc à l’extérieur. Tranquillement, cette idée s’est transformée et entrecroisée avec une sorte de journal de bord d’un First Ascent en particulier. Le développement de blocs me passionne alors j’adore inclure le plus de détails possibles… Si vous aimez les récits un peu trop détaillé, be my guest! Allons-y en ordre chronologique afin de bien saisir l’essence du processus. Mais avant cela…
TROUVER DES ROCHES
Ça peut sembler aller de soi, mais trouver des roches est probablement la partie la plus difficile dans l’ouverture de blocs. Il ne s’agit pas simplement de trouver des roches, mais plutôt de trouver les bonnes. Dans les Laurentides, la plupart des zones de blocs sont composées de 1 à 5 bloca de grosseurs variés. Évidemment, il existe certaines exceptions, mais en général, il faut marcher beaucoup ou bien prendre son auto afin de grimper à plus d’un endroit dans une journée. C’est donc dire que lorsqu’on trouve un bloc, ou bien une petite zone de blocs, on doit se questionner sur la valeur de ces derniers. Est-ce que d’autres grimpeurs seront prêts à marcher 30 minutes hors-sentier afin de revenir à ce problème un jour ? On peut ouvrir des blocs pour le plaisir personnel, mais c’est toujours bien lorsque d’autres grimpeurs viennent répéter les lignes par la suite.
Il existe deux façons de trouver ces cailloux. La première est d’aller prendre des marches dans le bois à l’aveugle et espérer tomber sur de nouveaux bijoux. Il est préférable d’y aller en hiver puisqu’on a une meilleure visibilité (sans les feuilles dans les arbres). Autrement, on peut facilement passer à côté d’un bloc de 30 pieds sans le voir. J’ai trouvé de nombreux classiques de cette façon. Par contre, après un certain temps à marcher sans rien trouver (on parle ici de nombreuses heures, voir semaines!), il peut être décourageant de procéder de cette façon. Il faut aussi être prudent face aux endroits où l’on décide d’aller se promener. La privatisation des terrains dans les Laurentides s’accélàre exponentiellement et, dans certaines régions, les propriétaires ne sont pas des enfants de coeur…
La deuxième méthode implique une recherche des zones de blocs potentielles avant de se présenter sur le terrain. Cette méthode a évolué au fil des années avec l’amélioration des technologies. L’utilisation de Google Maps/Earth est essentiel et permet de mieux cibler nos recherches. On a pu utiliser ces cartes à partir de 2013, moment où l’on a eu accès pour la première fois à une carte hivernale de qualité (assez moyenne, disons-le). À chaque année, Google actualise ces cartes qui deviennent de plus en plus détaillées. Il ne reste qu’à prier que l’actualisation se produise en automne ou en hiver, sinon il est impossible de détecter les roches du haut des airs. Voici deux exemples de ce à quoi peuvent ressembler des roches sur une carte, entre 2013 et 2015. Au moment d’écrire ces lignes, la dernière bonne carte utilisable date de 2015. On comprend donc que ce n’est pas si évident à trouver. Certaines zones sont plus facilement identifiables que d’autres, par exemple celles avec des feuillus plutôt que des conifères.
On note que la carte de 2015 est plus claire, de par sa meilleure résolution, mais surtout en raison des couleurs qui aident à bien différencier les roches, le sol et les arbres.
Après avoir repéré ces zones potentielles, on doit aller confirmer sur le terrain. Certains indices comme la largeur du bloc, les zones d’ombre (indique souvent un dévers) et la façon dont les arbres sont disposés autour du bloc laisse présager une qualité potentielle. Dans 80% des cas, il s’avère que les blocs sont décevant ou tout simplement trop petits. Des cailloux de 15 mètres de large, mais 2 mètres de haut, viennent souvent anéantir nos espoirs une fois sur place. Lorsqu’on arrive à trouver des lignes 5 étoiles (on se contente souvent de moins…), ce sont ces moments qui nous permettent de rester motivé à chercher.
JOUR 1
C’était la première journée de septembre 2019. J’avais repéré un potentiel de blocs quelques semaines auparavant. C’était une année particulièrement chaude, alors les températures ne permettaient pas vraiment d’escalade de bloc sérieux à ce moment. J’avais préalablement envisagé une route spécifique me permettant d’aller voir 3 endroits. Une marche d’environ 1 heure aller-retour, mais mes trouvailles cette journée m’auront fait passer presque 3 heures dans la forêt.
Le premier endroit où je comptais m’arrêter se trouvait à 10-15 minutes du stationnement. Arrivé à une centaine de pieds de bloc en question, je savais déjà que je venais de trouver un monstre. Je le voyais, là, dans toute sa splendeur, entouré d’une végétation dense et abondante, laissant présagé qu’aucune visite ne lui avait été accordée depuis des lustres. Il s’agissait effectivement d’un bloc vierge d’environ 16-18 pieds de hauteur et d’une grande superficie. En m’approchant du géant, je constatais rapidement le potentiel de plusieurs lignes à établir tout autour de bloc. Évidemment, l’excitation est difficile à contenir dans ces moments. Trouver un tel caillou n’arrive qu’assez rarement. Par contre, je n’avais toujours aucune idée quel genre de problèmes ce bloc nous proposerait.
Voici à quoi ressemblait le bloc lorsque je l’ai trouvé la première journée. La ligne potentielle qui me semblait la plus intéressante est celle qui sort du toit et qui se termine sur une proue de 16-18 pieds.
Après 30 minutes, j’avais nettoyé le bas du lip et une partie de la proue avec un brosse de métal. Avec une petite crowbar, j’avais brisé les prises fragiles qui auraient potentiellement cassé plus tard. Rien de plus frustrant que de travailler un bloc durant quelques jours pour finalement briser une prise clé rendant le problème impossible. Il est donc bien de faire ce travail d’emblée, aussi pour s’assurer de la sécurité du bloc. Les chutes surprises lorsque des prises se brisent peuvent être dangereuses.
À première vue, cette ligne semblait possible, quoique très difficile. Voici une courte vidéo de la première journée, lorsque je scrutais les prises et les positions possibles du bloc. Ce genre de vidéo peut aussi servir à convaincre des amis de revenir travailler ce bloc avec moi. Une image vaut mille mots. En vidéo, c’est encore mieux…
Après environ une heure à nettoyer et observer le bloc… il ressemblait désormais à ceci:
Un bon début pour une ligne encore totalement inconnue. Il restait tout de même un certain nettoyage à faire. Après tout ceci, je poursuivais ma route vers d’autres zones potentielles. J’ai d’ailleurs trouvé d’autres superbes cailloux ce jour, mais ce sera une histoire pour une autre fois…
JOUR 2
Très motivé, je retourne au bloc avec un ami une semaine plus tard. Le toit est mouillé, on doit donc se rabattre sur d’autres lignes. On brosse et grimpe des trucs plus faciles. Entre deux averses, on termine la journée avec une ascension de The Abyss, environ V8.
Noah sur la première ascension de The Abyss. On allait devoir revenir pour essayer le projet du toit.
JOUR 3
Une semaine plus tard, je me présente au bloc avec 2 autres amis, Samuel et Jean-Benoit. On a tous un niveau d’escalade similaire, alors trouver les séquences d’un bloc de cette façon est beaucoup plus efficace. On tente différentes méthodes, on essaie de voir si cette ligne est possible. Après quelques heures à travailler le bloc, environ 75% des mouvements ont été fait par l’un des membres du groupe. Il reste toujours quelques pièces manquantes afin de compléter le casse-tête. Cette journée, on a réussi un départ debout au projet, qui grimpe la proue après le toit, qu’on nomme Le Premier Protocole, d’une difficulté d’environ V7 ou V8. On comprend donc un peu mieux la difficulté du projet, mais certains mouvements de pieds restent mystérieux et les liens entre les différentes parties du bloc apparaissent certainement difficile à enchaîner.
Samuel essaie le premier mouvement difficile avec un talon. Ça ne fonctionne pas.
JOUR 4
On est désormais au mois d’octobre 2019 et la saison tire à sa fin. Il ne reste que deux à trois semaines avant l’arrivée des temps trop froid et de la neige. Je retourne au bloc avec Noah. À ce moment, il ne me passe pas à l’esprit d’enchaîner le bloc. On désire seulement continuer à comprendre la séquence de mouvements et, surtout, avoir une meilleure idée de la cotation du bloc. Il est difficile de rester motiver à essayer un bloc si la difficulté est trop éloignée de notre niveau. Ainsi, il y a souvent un moment où l’on sait que le temps investi pourrait s’avérer inutile si le bloc est finalement trop difficile. Dans ce cas, on peut partager le projet avec des grimpeurs plus fort afin qu’ils puissent tenter leur chance. Il faut investir le temps nécessaire afin de comprendre cette difficulté. À la fin de cette session, tous les mouvements du bloc ont été fait à l’exception d’un mouvement de pied, qui semble toutefois possible. La réelle difficulté sera d’enchaîner les 15-16 mouvements du bloc. Cette journée, en quittant, nous avions l’impression que la cotation tournerait autour de V12.
JOUR 5
Un peu plus d’un an s’est écoulé depuis la dernière session sur le bloc. Il ne m’est toutefois pas sorti de la tête une seconde. J’ai grimpé toute l’année avec l’idée d’y retourner le plus rapidement possible. Malheureusement, après la pandémie, il m’a fallu quelques mois pour me remettre en forme. Et je savais pertinemment que je devrais être au sommet de ma forme afin d’avoir une chance de réussir le bloc. Les températures d’octobre sont parfaites et je prends la session pour me remémorer le beta trouvé l’année d’avant. Rapidement, je refais tous les mouvements et je réussis le mouvement de pied qui restait mystérieux. Petite victoire. À ce moment, la seule chose qui m’empêche d’essayer d’enchaîner le bloc à partir du début, c’est un doute quant à la méthode pour sortir du toit. Deux façons sont possibles, mais je n’arrive pas à décider quelle méthode est la plus efficace. Il est difficile de tenter un bloc à notre limite physique du début si l’on n’est pas totalement convaincu du beta à utiliser.
Je me remémore les différentes séquences. On voit bien le V12 que j’avais inscrit sur une roche en dessous avec de la craie en octobre 2019. L’inscription a passé l’hiver. C’était plus une blague qu’autre chose. Prière de ne pas écrire sur les roches dans les zones déjà développées.
JOUR 6
La session du jour 5 m’est resté gravée dans la tête et maintenant que tous les mouvements étaient faits, la possibilité d’enchaîner semblait tangible. Je retourne au bloc durant la semaine après le travail. C’est une courte session en fin de journée qui semble condamnée par la pluie, mais mon obsession m’empêche de rester rationnel face à la température, je prends donc la chance de m’y rendre avec comme but de travailler sur le lien entre le toit et la proue. Après une heure de grimpe, il se met évidemment à pleuvoir. La session est écourtée (comme prévu), mais j’ai trouvé la méthode que je comptais utiliser. Ça me rend heureux et je quitte la tête haute dans une pluie intense. J’arrive au stationnement détrempé, mais l’esprit éveillé et extrêmement emballé.
JOUR 7
Trois jours plus tard, la température est parfaite. J’y retourne avec ma copine. J’ai en tête l’enchaînement du bloc. La saison tire à sa fin et une certaine pression commence à s’installer. Je m’échauffe et, rapidement, je fais des bons link-ups des différentes sections. Damn! Est-ce que je vais sender aujourd’hui? Ça semble possible. À mon meilleur essai, je tombe à la fin du bloc dans le stand start. Le temps presse, la température s’annonce des plus mauvaises pour la prochaine semaine. Mais je pense toute de même pouvoir réussir à la prochaine session.
JOUR 8
Il a plu toute la semaine. Je décide de tenter ma chance lors de la seule belle journée. J’arrive au bloc qui est presque tout mouillé. Je tente de le sècher mais en vain. Je retourne chez moi sans avoir grimpé.
JOUR 9
Il a plus la veille, mais le soleil et le vent sont de la partie. La température de 6 degrés est parfaite. Je me rend au bloc vers 15h, il est complètement sec. Une certaine nervosité s’installe puisqu’on annonce de la neige dans les jours suivants. Je m’échauffe avec ma routine habituelle : je grimpe quelques problèmes faciles sur le même bloc, je fais quelques mouvements dans The Abyss afin de préparer mes muscles à un effort soutenu. Je répète quelques mouvements dans le projet afin de terminer mon échauffement. À mon premier essai, mon pied glisse dans la première partie difficile. À mon deuxième essai, je rate la prise de toehook en lançant mon pied sur l’arête. À ce moment, il ne me reste probablement que deux ou trois bon essais possibles pour la journée. Je prend une vingtaine de minutes de repos. Je me lance dans le bloc, tout fonctionne bien. J’arrive à l’endroit où je suis souvent tombé et, malgré une certaine fatigue, je sais que je peux enchaîner le bloc si je ne fais pas d’erreur. Cette dernière partie, je l’ai pratiqué une trentaine de fois; je la connais très bien. Quelques secondes plus tard, après quelques respirations profondes et des mouvements de plus en plus désespérés, je me retrouve au sommet du bloc.
Cette sensation est probablement celle qui me pousse à constamment rechercher de nouvelles lignes magiques à grimper. J’étais seul, au sommet du bloc, réchauffé par les quelques rayons de soleil restant. J’apprécie grimper avec mes partenaires, mais je ne pourrais me passer de ces sessions d’escalade seul au milieu de la forêt. On ne peut recevoir d’encouragement ni de post send fist bump, mais cette quiétude qui est si difficile à trouver de nos jours vaut son pesant d’or. Je suis resté au sommet du monstre quelques minutes afin de savourer ma victoire et ces derniers moments de grimpe automnal. La difficulté du bloc était probablement un peu plus facile que celle que j’avais envisagée depuis le début. Les prochains grimpeurs pourront donner leur opinion. En chargeant mes trois crashpads sur mon dos, quelques moments éphémères après avoir atteint le but pour lequel j’étais devenu un peu obsédé, je me disais… on to the next. C’est en quelque sorte cette mentalité qui nous pousse à continuer de développer des blocs. Après chaque nouvelle ascension, peu importe l’effort investi, on se trouve rapidement à rêver au prochain projet.